Un séjour récent au Havre m’a incitée à vous encourager à découvrir le deuxième port de France, que le roi François 1er décida de créer en 1517. Ce port, à vocation militaire et commerciale, prit son essor au 18ème siècle, grâce à la traite négrière et au commerce international. Mais les bombardements des 5 et 6 septembre 1944 détruisirent 80% de la ville.
Sa reconstruction fut confiée à Auguste Perret, célèbre architecte « maître du béton armé ». Les bâtiments ont été édifiés sur une trame orthogonale, selon la structure « poteau-poutre-dalle ». On pourrait penser qu’un tel alignement d’édifices bâtis sur un plan en damier obéissant aux mêmes caractéristiques architecturales génère la monotonie. Or la présence de parois extérieures ajourées (claustras) créant des motifs géométriques, et la variété du béton utilisé (béton bouchardé, béton lavé, béton brut de décoffrage) rompent l’uniformité.
Une prouesse architecturale caractérise la reconstruction de l’église Saint-Joseph, entre 1951 et 1964. Dédiée à la mémoire des victimes des bombardements, cette église s’élève en bordure de l’océan comme un phare. Sa tour clocher octogonale haute de 107 mètres offre de l’intérieur une vue particulièrement étonnante. On reste admiratif devant la magnifique charpente qui se dresse vers la lumière céleste, ébloui par la multitude de vitraux colorés (œuvre du maître-verrier Marguerite Huré, qui a collaboré avec Auguste Perret pour la réalisation de ce chef d’œuvre). Le verre utilisé devient de plus en plus fin et clair au fur et à mesure que les vitraux se trouvent à proximité du sommet de la flèche, sublimant la verticalité de cet ouvrage.
L’Hôtel de Ville du Havre a été reconstruit pendant les années 1950 également, selon le modèle architectural valorisé par Auguste Perret pour les immeubles du centre-ville. Une tour de 72 mètres et de 18 étages jouxte le bâtiment central. Le 17ème étage offre aux visiteurs un panorama vertigineux sur toute la ville, ce qui permet d’apprécier le « triangle monumental », composition urbaine reprenant les principaux axes historiques de la ville : rue de Paris, avenue Foch et boulevard François 1er. Cette vue spectaculaire sur les édifices, le port, la plage, les hauteurs du « Nice Havrais », surnom donné à la station balnéaire de Sainte-Adresse, est unique. Un grand jardin s’étend devant l’Hôtel de Ville, l’ensemble représentant une des plus grandes places en Europe.
Pour compléter la compréhension des doctrines architecturales de l’Atelier Perret, on peut visiter un appartement témoin, emblématique du modernisme qui apparaît au cours des années 1950. Indépendamment du pilier apparent propre aux principes du grand architecte et de la double orientation de l’appartement qui offre ainsi un ensoleillement optimal, on y découvre un mobilier d’époque, des revues, une machine à écrire, un tourne disques, des ustensiles de cuisine et des appareils ménagers (réfrigérateur, cuisinière, autocuiseur, aspirateur, lave-linge).
Contrastant avec les tracés rectilignes et l’alignement des façades du centre-ville, deux gigantesques constructions d’un tout autre style sont érigées entre les Halles et le Bassin du Commerce : le Volcan, théâtre et scène nationale, et la médiathèque, œuvres de l’architecte brésilien Oscar Niemeyer. Caractérisés par leurs courbes et l’utilisation de voile de béton peint en blanc, ces deux édifices, reliés par des rampes, passerelles et escaliers, constituent une sorte de forum. Une vue aérienne de cet ensemble permet d’y distinguer la forme d’une colombe.
Le Volcan est dissymétrique, tout en hauteur. Une main, moulée sur celle d’Oscar Niemeyer et faite de résine peinte en noir, tient lieu de fontaine. A proximité, on peut y lire la phrase du célèbre architecte : « Un jour comme cette eau la terre, les plages et les montagnes à tous appartiendront ». Message de partage, valeur chère à cet architecte communiste, concepteur du siège du PCF situé Place du Colonel Fabien à Paris.
La bibliothèque, cylindrique, symétrique, de hauteur plus modeste, est baignée de lumière grâce à une verrière monumentale. Elle est dotée d’une multitude de salles et espaces particulièrement accueillants, dotés d’un mobilier confortable. Des alcôves invitent le lecteur à s’isoler, en se lovant dans un fauteuil douillet. Des petites salles destinées à visionner des films permettent aux visiteurs de bénéficier de séances de cinéma en petits comités, en compagnie de leur famille ou amis. La présence d’une cafétéria, l’ouverture de la médiathèque le dimanche, l’accès libre et gratuit aux livres, revues, DVD, le confort, l’esthétique et l’originalité de l’espace réservé aux enfants représentent autant d’atouts pour les usagers.
Situé à l’entrée de la rade du Havre, le MUMA, musée André Malraux, inauguré en 1961, a été conçu en harmonie avec l’environnement maritime qui a inspiré tant de peintres impressionnistes. Les qualités d’espace et de lumière de cet édifice mettent en valeur les tableaux. Le musée recèle près de 4000 œuvres, mais seules 400 sont présentées en permanence. Il possède la deuxième collection impressionniste après le Musée d’Orsay à Paris. On peut y admirer des œuvres d’Eugène Boudin, de Gustave Courbet, de Claude Monet, de Camille Corot, d’Edgar Degas, d’Auguste Renoir, de Camille Pissarro, d’Alfred Sisley et de nombreux peintres post impressionnistes et fauvistes.
Une exposition consacrée à Raoul Dufy, natif du Havre, a été présentée du 18 mai au 3 novembre 2019, réunissant près de 90 œuvres en provenance du fonds du MUMA et de grandes collections publiques françaises et étrangères. Le Havre a toujours été une source d’inspiration pour ce peintre et incarne la totalité de son parcours artistique, depuis son « réalisme impressionniste », jusqu’à ses périodes fauviste, cézanniste, bleue et relative à son ultime série, « les Cargos noirs ».
Une autre réalisation architecturale remarquable réserve aux Havrais et aux touristes la promesse de détente, de loisirs ou de pratique sportive: les Bains des Docks, conçus par l’architecte Jean Nouvel. Il s’agit d’un complexe aquatique de 5500 m2, inspiré des thermes romains, avec une dizaine de bassins, des espaces ludiques pour les enfants, de la balnéothérapie, une salle de fitness et une zone sportive où un grand bassin à ciel ouvert communique avec l’intérieur. La mosaïque est omniprésente dans ce complexe, jouant avec la lumière et les couleurs.
Un lieu surprenant, préservé par les bombardements qui ont dévasté la ville, se trouve dans le Quartier Saint-François, face au port de pêche. Il s’agit de la Maison de l’Armateur, demeure du 18ème siècle, haute de 20 mètres, qui fut la propriété successive de négociants, avant d’être transformée en musée ouvert en 2006.Un impressionnant puits de lumière octogonal régit la distribution intérieure des pièces sur 5 niveaux. On y admire du mobilier d’époque.
La richesse monumentale du Havre ne se limite pas aux éléments mentionnés. Je ne saurais que vous inviter à découvrir cette ville et ses environs. Cependant je tiens à rassurer les amateurs d’espaces verts et de nature. De nombreux parcs et jardins apportent verdure et couleurs, et sur les hauteurs de la ville, Les Jardins Suspendus surplombent la baie de Seine. Ce site exceptionnel aménagé en jardins thématiques s’étend sur une surface de 10 hectares. Créés sur les vestiges du fort militaire de Sainte-Adresse, ces jardins invitent au voyage en évoquant les régions du monde dont les multiples plantes sont originaires. Un univers végétal et sensoriel représente le monde végétal entier dans un jardin, ce qui ne manque pas d’intérêt pour les férus de botanique, les simples promeneurs et les enfants auxquels les Jardins offrent un carnet de bord à la fois ludique et pédagogique pour découvrir le monde des plantes, en commençant par un labyrinthe botanique.
Enfin, Le Havre, ville classée au patrimoine de l’humanité par l’UNESCO en 2005, réserve bien d’autres surprises, culturelles, touristiques, récréatives et gastronomiques. Je vous recommande par exemple un restaurant australien The Architect, où j’ai dégusté le meilleur « fish and chips ». Le sympathique patron australien nous a révélé la touche qui confère un croustillant unique à la panure légère du poisson : l’adjonction de bière !
Deux autres restaurants assurent un régal pour les papilles : Le Grignot, spécialiste des fruits de mer, à proximité du Volcan, qui propose des produits bio et locaux, telles les succulentes coquilles Saint-Jacques au safran fraîchement pêchées et Le Margote où un jeune chef se distingue par le raffinement et l’originalité de sa cuisine. Son foie gras maison au poivre du Timut avec une délicate crème de coings, le filet de rouget grondin servi sur une émulsion d’oseille, un crémeux de vitelottes et de fines chips de ces mêmes pommes de terre, m’ont laissé un souvenir inoubliable.
Informations pratiques :
The Architect 55 quai de Southampton 76600 Le Havre 02 32 73 68 03
Le Grignot 53 rue Racine 76600 Le Havre 02 35 43 62 07
Le Margote 50 Quai Michel Féré 76600 Le Havre 02 35 43 68 10