Avec, La Cité sans aiguilles, Marc Torres nous livre un conte empli de sagesse et de poésie. Un grand roman, que l’on pourrait ranger aux côtés de l’Alchimiste de Paulo Coelho par exemple. Nous vous proposons de découvrir cet auteur à travers une interview :
Femme Attitude : Vous êtes ingénieur de formation, or lorsqu’on découvre votre style littéraire, on le trouve empreint de poésie, assez loin d’un univers scientifique finalement (à mon sens !). D’où vous vient cette passion pour l’écriture ?
Marc Torres : Pourquoi opposer la science et la poésie ? A mon sens, les 2 se nourrissent. On ne peut être un bon scientifique en suivant seulement les sentiers battus : il faut savoir sortir des cadres établis, trouver l’angle de vue original qui permettra d’éclairer différemment le problème et de découvrir une solution. On doit avoir un « grain de folie raisonnable », que ce soit en science ou en littérature.
J’ai toujours aimé les deux : la science qui expliquait les choses, et la littérature qui expliquait les hommes. Mais comme il faut bien vivre, la voie scientifique m’a semblé la plus facile pour en faire un métier !
Ceci dit, j’ai toujours continué à écrire depuis le lycée : d’abord des poésies (cela paraît plus simple quand on débute – sans doute à tort !) et ensuite des romans. La Cité sans aiguilles est le premier publié, mais il y en a eu quatre autres avant.
En fait, j’ai envie de raconter des histoires que j’aimerais qu’on me raconte… Je cherche à partager avec le lecteur des émotions qui me touchent. Réveiller des idées qui dorment sans doute déjà en lui, mais qui sont ensevelies sous le prêt-à-penser de tous les jours.
Quels sont les grands écrivains qui vous ont marqué et peut être inspiré ?
J’ai des goûts plutôt contemporains, et plutôt « latins », avec des auteurs qui arrivent à mêler à la fois une histoire intéressante, et une musicalité particulière dans la manière d’écrire : Laurent Gaudé, Sorj Chalandon ou Saint-Exupéry en France ; Alessandro Barrico, Erri de Luca et Luis Sepulveda à l’étranger… Ce sont tous des auteurs qui racontent des histoires d’hommes et d’âmes, loin du monde des apparences. Quand on lit leurs livres, on est entraîné par la magie de leurs mots ; et quand on les referme, on sent que l’on s’est enrichi d’une parcelle d’intelligence supplémentaire. C’est magique !
Tout au long de votre roman, vous lancez des pistes de réflexion au lecteur au sujet du Temps, de l’Art, de l’Amitié. En quoi ces thèmes vous tiennent particulièrement à cœur ?
Il faut être très jeune pour ne pas se sentir concerné par le Temps ! C’est le cœur de la vie ; beaucoup cherchent à l’oublier, mais un jour où l’autre il faudra bien rendre les clefs de la location…
L’Amitié ou l’Amour : c’est la seule chose que nous emporterons, quand on rendra ces clefs justement. Je ne sais pas combien dure notre dernière seconde, mais j’espère que ce sont tous ces bons moments partagés avec l’autre que nous revivrons.
Quant à l’Art, cela rejoint mon intérêt pour l’Aïkido : les plus grands artistes atteignent une telle justesse du geste qu’ils arrivent à s’oublier et à laisser passer au travers de leur corps des œuvres qui les dépassent. Ils ne dirigent pas leurs stylos/pinceaux/violons, ils prêtent leur bras à quelque chose de « supérieur » qui travaille à leur place. Du coup, leurs créations font écho à des émotions universelles, et touchent une majorité de gens.
Passionné d’Aïkido, vous transmettez ses valeurs à travers votre écriture. Pourriez-vous nous expliquer quelles sont ces valeurs et en quoi elles vous ont particulièrement touché ?
L’Aïkido est un Art martial dans le sens initial du terme, c’est-à-dire qu’il cherche à développer l’âme au moins autant que le corps. C’est d’abord un travail sur soi-même, que l’on réalise avec l’aide d’un partenaire. Il vise à se mettre en harmonie avec l’autre : au lieu d’entrer en opposition avec lui, on s’efface devant sa force, et on accompagne ses mouvements pour le guider vers une situation disons… plus favorable.
Concrètement, les grands maîtres passent leur vie entière à répéter le même geste des milliers de fois, jusqu’à atteindre un mouvement de plus en plus juste, de plus en plus parfait. Mes héros sont tous des aïkidokas, à leur manière : ils répètent le même geste jusqu’à ce qu’il leur permette de vaincre n’importe quel ennemi, ou de ranger une caisse parfaitement, ou d’écrire des contes à partir de brindilles.
Le travail d’écriture s’apparente à celui de l’aïkidoka : on remet dix fois la phrase sur le papier, jusqu’à ce que les mots s’approchent enfin de ce que l’on veut dire. Comme l’aïkidoka, on pourrait travailler une vie entière sur chaque paragraphe avant de trouver la formulation parfaite. Mais il faut bien s’arrêter à un moment !
L’autre point commun entre écriture et aïkido est la nécessité de garder le lecteur/partenaire « en déséquilibre » : une fois qu’on l’a aspiré, on ne doit plus le lâcher. Si on relâche la tension, on le « perd », tout comme nous échappe notre partenaire sur le tatami. Le travail de relecture consiste en partie à sentir les passages où s’insèrent des mots parasites, qui cassent le mouvement et font qu’à la longue, le lecteur décroche.
Merci beaucoup d’avoir pris le temps de nous répondre !
La Cité sans aiguilles, Marc Torres. Editions Viviane Hamy. Collection Littérature Française. 240 pages. 18 €
Le roman :
Qu’ont donc en commun l’Horloger, l’Écrivain et le Guerrier ? Une quête et une même destination dont ils ignorent tout : la Cité sans aiguilles. Alors qu’ils cheminent irrémédiablement en solitaire, ces trois hommes vont voir leurs destins se croiser. Et c’est ensemble qu’ils réaliseront le grand dessein auquel ils étaient prédestinés…
Autrefois connu sous le nom de Cité Blanche, ce territoire est gouverné par le Roi Blanc dont la renommée n’est plus à faire. Son royaume est prospère et il est entouré de sa précieuse reine et de Guillaume, son fidèle conseiller. Pourtant, cet équilibre va bientôt être mis à mal, les fondations de la cité fragilisées, bouleversées, par une nouvelle de bien mauvais augure…
L’auteur : Marc Torres est né en 1962. Ingénieur de formation, il habite en Touraine. Auteur de nouvelles souvent récompensées par des prix, La Cité sans aiguilles est son premier roman publié.